Bonjour chère Éviscérée, cher Éviscéré,
J’espère que votre bibliothèque s’est bien garnie de romans d’horreur depuis la dernière fois, je le sais, trop lointaine, où nous nous sommes entretenus ensemble. Qu’à cela ne tienne, aujourd’hui vous aurez la chance de découvrir l’univers parfois sinistre, parfois comique, d’un auteur que toute l’équipe de La Maison des viscères adore, le conteur et auteur Éric Gauthier. Vous l’avez peut-être découvert dans notre collectif Bizarro. Il nous parle ici, entre autres, de son plus récent roman Le Saint Patron des plans foireux.
Qui es-tu?
Je suis quelqu'un qui a toujours été fasciné et attiré par les recoins étranges de l'existence. Ça fait longtemps déjà que je puise dans mes diverses obsessions pour créer des histoires, que je publie sur papier ou raconte sur scène -- ou les deux, pour certaines histoires. Et tout comme j'oscille entre l'écrit et l'oral, je me rends compte que j'oscille aussi entre le sinistre et le comique. Avec l'étrange comme point commun: quand je me sens sinistre, je suis moins porté vers les tueurs en série et plus vers les fantômes et les hôtels happés par des anomalies spatiales (vous n'avez pas lu Bizarro? il n'est pas trop tard). Dans le comique, je tends vers l'humour absurde et les images inattendues.
Peux-tu nous parler un peu de ton nouveau livre?
Je ne peux pas arrêter d'en parler! Ça s'appelle Le Saint Patron des plans foireux -- titre mémorable que j'ai obtenu en... demandant à ma blonde. Mais le roman lui-même est de moi. C'est l'histoire de Sigouin, un vétéran des combines louches qui en entreprend une grosse: acheminer à un riche acheteur montréalais une spectaculaire relique volée. Il s'agit du squelette d'un saint, rien de moins, décoré de riches habits et de pierres précieuses. Sigouin ne l'a pas eu facile dernièrement, mais tout semble fonctionner cette fois-ci... jusqu'à ce qu'on lui vole la relique et qu'on la réanime. En essayant de sauver sa combine, il doit composer avec une étudiante aussi astucieuse que lui, un frère plus retors que lui, et des criminels nettement plus redoutables que lui... sans compter le squelette et ses disciples. C'est tour à tour drôle, inquiétant, touchant, philosophique, relax et frénétique.
Quel est le roman/livre/quelque chose d’autre qui a le plus inspiré ton travail?
Il y en a tant! Pour le nouveau roman en particulier, je lève mon chapeau à Paul Koudounaris, dont l'article puis le livre au sujet des saints des catacombes m'ont inspiré le personnage du squelette. Allez voir ses photos sur empiredelamort.com, ça vaut le détour.
Pour mon travail en général... Disons "A Sound of Thunder" de Ray Bradbury, lu au début du secondaire dans un manuel de français, en version traduite et probablement édulcorée et pourtant suffisante pour cimenter mon amour des littératures de l'imaginaire. Aussi, Mort de Terry Pratchett, une histoire autour d'un squelette justement, par laquelle j'ai découvert un auteur remarquable autant pour son humour que pour son sérieux.
Tu visites une librairie imaginaire et tu trouves le livre de tes rêves. De quoi parle-t-il?
C'est un roman d'épouvante sans illustration de couverture, avec un titre cryptique; une histoire de hantise qui fait voir le monde d'un autre oeil quand on ressort de sa lecture. Je dévore le livre quasi d'une traite et découvre qu'il manque les dernières pages. Chaque nuit par la suite, je rêve que je trouve ces pages et les lis; chaque nuit, elles sont différentes. Chaque matin, je m'éveille troublé par une fin dont je ne me rappelle pourtant aucun détail.
En quelques lignes, imagine une scène d’horreur.
Le visage à la fenêtre est blême, crevassé, trop large. Humain mais pas vraiment. Il vous fixe de ses grands yeux noirs qui ne clignent pas. Avant, c'était rarement; dernièrement, vous le voyez chaque nuit. Vous vous efforcez de l'ignorer. Vous fermez les yeux et vous concentrez sur la respiration à côté de vous dans le lit. Enfin, le sommeil vous emporte.
Vous vous éveillez. Il fait toujours nuit. Le visage est à la porte de la chambre: blême, crevassé, trop large, taché de sang. Humain mais pas vraiment, tout comme le grand corps à peine visible derrière. À côté de vous, le lit est vide. Vous appelez: personne ne répond, personne n'accourt. Seul le visage est là, qui mâche et qui vous fixe de ses grands yeux noirs qui ne clignent pas.
Vous vous efforcez de l'ignorer. Vous fermez les yeux.
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Que dire de plus à la suite de cette lecture, sauf, peut-être, bonne nuit…
Dors bien chère Éviscérée, cher Éviscéré.
Frédéric Raymond, éditeur
La Maison des viscères
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